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Si c'est un Homme...

Primo Levi

Primo Levi est né à Turin (Italie) en 1919.
Il appartient à une famille juive non pratiquante.

 

Après avoir suivi des études de chimie, il part s'installer à Milan.
En 1943, il se fait arrêter par la milice fasciste. Il est interné au camp de Carpi-Fossoli, puis à Auschwitz.

Il est libéré le 27 janvier 1945, date de la libération du camp par les soviétiques.

Une fois la guerre finie, il se marie, a deux enfants et dirige une entreprise de produits chimiques.

Pendant les derniers mois de sa vie, Primo Levi fut très affecté par la montée du révisionnisme et de l'indifférence. Profondément déprimé, le 11 avril 1987, il se jette dans la cage d'escalier de son immeuble. Sur sa tombe sont inscrits son nom et 174 517, son matricule à Auschwitz.

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LE TEXTE

J'ai donc touché le fond. On apprend vite en cas de besoin à effacer d'un coup d'éponge passé et futur. Au bout de quinze jours de Lager, je connais déjà la faim réglementaire, cette faim chronique que  les hommes libres ne connaissent pas, qui fait rêver la nuit et s'installe dans toutes les parties de notre corps ; j'ai déjà appris à me prémunir contre le vol, et si je tombe sur une cuillère, une ficelle, un bouton que je puisse m'approprier sans être puni,  je l'empoche et le considère à moi de plein droit. Déjà sont apparues sur mes pieds les plaies infectieuses qui ne guériront pas. Je pousse des wagons, je manie la pelle, je fonds sous la pluie et je tremble dans le vent. Déjà mon corps n'est plus mon corps.  J'ai le ventre enflé, les membres desséchés, le visage bouffi le matin et creusé le soir ; chez certains, la peau est devenue jaune, chez d'autres, grise ; quand nous restons trois ou quatre jours sans nous voir, nous avons du mal à
nous reconnaître. Nous avions décidé de nous retrouver entre Italiens, tous les dimanches soir, dans un coin du Lager ; mais nous y avons bientôt renoncé parce que c'était trop triste de se compter et de se retrouver à chaque fois moins nombreux, plus hideux et plus sordides. Et puis c'était si fatigant de faire ces quelques pas, et puis se retrouver, c'était se rappeler et penser, et ce n'était pas sage.
Si c’est un homme, Primo Levi (1947)

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